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La top française Noémie Lenoir s’engage pour promouvoir les stylistes du continent africain
Noémie Lenoir a marqué la mode en la déstabilisant. Beauté féline aux yeux verts, elle a incarné le triomphe du métissage durant plus de quinzeans. Les souvenirs qu’elle garde de cette période n’en sont pas moins mitigés : « Je suis réunionnaise et malgache par ma maman, mais corse et belge par mon papa. J’aime les mélanges, on doit tous marcher main dans la main. Pourtant, j’étais toujours cataloguée comme noire. C’est, d’ailleurs, ce qui m’a permis de percer aux Etats-Unis, où les marques devaient respecter des quotas. Quand je disais à Karl Lagerfeld que la mode était raciste, il m’expliquait avec une très grande intelligence que “non, la mode suit seulement… la mode” . »
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Cet air du temps est comme le sirocco. Aujourd’hui, il porte avec lui les parfums de l’Afrique. C’est sur ce courant que surfe la petite fille de Gif-sur-Yvette.
Noémie a troqué ses escarpins et ses robes haute couture contre des baskets et une tenue de baroudeuse. Il y a deuxans, elle décide de réunir ses deux passions, la mode et l’Afrique, à l’occasion d’un reportage. Pendant plusieurs mois, elle arpente les routes du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Cameroun, des capitales bruyantes et colorées, comme Dakar ou Yaoundé, aux villages les plus reculés.
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Devenue journaliste, l’ancien mannequin s’efface pour laisser la lumière à ses intervenants : « Ce continent a été une source d’inspiration pour beaucoup de couturiers, je pense à Jean Paul Gaultier et à Yves SaintLaurent. De nombreux designers y viennent encore pour leurs campagnes publicitaires. L’Afrique n’est pas seulement le berceau de l’humanité, elle est, par ses tissus, celui de l’artisanat. C’est un continent qui n’a pas pour seules richesses le pétrole et les diamants. Je voulais montrer ce qu’il s’y passe vraiment. Comment le coton, cultivé ici, est vendu à la Chine ou aux Etats-Unis où il est filé, confectionné puis revendu à l’Afrique sous forme de vêtements, alors que tout pourrait être effectué à l’échelle locale, pour faire vivre les populations. De nombreux emplois sont perdus, des usines ferment, cela contribue à appauvrir l’Afrique. La mode est aussi une richesse. » Une reconversion qu’elle savoure : « Prendre la parole pour transmettre une vision de tolérance est un projet galvanisant. »
Ces valeurs, elle les inculque aussi à ses enfants, Kelyan, 14ans, dont le père est le joueur de football Claude Makelele, et Tosca, 3ans et demi. Miracle de la génétique, ils ont hérité de traits physiques opposés, ce qui sème parfois la confusion : « Mon fils est noir, ma fille est blanche avec les cheveux clairs et les yeux bleus. Ils ont une relation fusionnelle, bien que de caractères très différents. Mon fils est introverti, discret, alors que ma fille est plus exubérante. Leurs camarades d’école refusent de croire qu’ils sont frère et sœur. Un jour, à l’aéroport, un douanier m’a même demandé si mon fils n’avait pas été adopté, ça l’a beaucoup peiné. » Cette diversité n’est pas seulement visible, on l’entend aussi. « Quand les enfants font des bêtises, je les engueule en créole. J’ai eu la chance que ma mère m’apprenne cette langue. J’écoute aussi beaucoup de chants corses. Je suis fan ! »
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"J’accorde une très grande importance à l’éducation
"
Gardant la tête sur les épaules malgré les succès, Noémie n’a jamais oublié les galères de son enfance : « Maman était femme de ménage ; papa, électricien. Dès que j’ai commencé à faire des photos, à 16ans, ils ont arrêté de travailler. Je me suis occupée d’eux. Je préfère qu’on parle de mon grand cœur plutôt que de ma beauté. Il y a des choses que la vie vous donne. La gentillesse, le respect, la sensibilité aux autres, ça s’apprend. Il faut travailler pour nous bonifier. C’est ce que j’enseigne à mes enfants. Eux sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche. Certes, il y a des jobs plus pénibles et difficiles que le mien, mais je leur explique que tout ce qu’ils possèdent ne tombe pas du ciel. Mon boulot est éphémère, je mets de côté pour leur avenir, leurs études. J’accorde une très grande importance à l’éducation. J’ai de la chance : mon aîné, qui est ado, n’a pas la folie des grandeurs. Il n’aime pas les marques, se fiche de l’image qu’il peut renvoyer et n’est pas sur les réseaux sociaux. Ce qui l’intéresse, c’est le basket-ball. Il joue sixà sept heures par semaine. »
Sereine, épanouie, Noémie a presque oublié la période sombre qui l’a menée jusqu’à une tentative de suicide, en 2010. « Je ne savais plus où j’en étais, j’étais fragilisée dans ma vie personnelle et professionnelle. » Depuis, Noémie a fait face à ses démons. Méditation, spiritualité et psychanalyse. « Je suis suivie par un super psychothérapeute. C’est mon héros. Il m’a permis de me reconstruire en m’améliorant. » Noémie a fait toutes sortes de voyages. Mais c’est en s’explorant elle-même qu’elle est allée le plus loin.
Retrouvez toutes les photos de notre reportage dans le numéro 3646 de Paris Match.